L'ONF, le Choeur et la Maîtrise de Radio interprètent Le Grand Macabre de Ligeti sous la direction de François Xavier Roth. Concert enregistré le 2 décembre 2023 à l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique, à Paris. #Ligeti #opera #fxroth À sept ans, emmené par sa cousine Kato, son aînée de dix ans, Ligeti se rend pour la première fois à l’opéra. On donne Boris Godounov. Pour l’enfant, c’est une révélation, « un choc bien plus visuel qu’auditif ». Des années plus tard, le compositeur dira se souvenir de tous les détails, « le son des cloches, et la splendeur dorée de tous ces rois, prêtres et courtisans ». Peu de temps après, La Traviata le bouleverse : « Je suis entré dans une sorte de transe, je me suis senti comme dans un rêve. » Ces deux représentations enchantent Ligeti au point qu’il gardera à jamais le goût de l’opéra, et en particulier de ses grands maîtres : Monteverdi, Mozart, Verdi… Lorsqu’en mars 1965, Göran Gentele, alors directeur de l’Opéra de Stockholm, lui demande quel projet il pourrait concevoir, Ligeti lui propose une œuvre qui aurait pour titre Kylwyria. Car « Kylwyria » est le nom du pays imaginaire qu’enfant il avait conçu et entièrement cartographié, et dont il avait même inventé la langue et la grammaire. Il était allé jusqu’à écrire des descriptions détaillées de la nature géologique de ses montagnes, déserts et rivières, et l’avait aussi doté d’un système social et d’une structure juridique « totalement libéraux et parfaitement justes ». C’était un « pays de lait et de miel, sans gouvernement, sans argent et sans criminels ». L’opéra Kylwyria devait être le monde du merveilleux absolu, une œuvre « folle », « pleine d’humour », mais sans aucune action qui soit « suivie distinctement » et avec un texte « non signifiant, purement émotionnel ». Ligeti renoncera cependant au projet. Il songe un temps à adapter le mythe d’Œdipe, sujet suffisamment solide et éprouvé pour supporter avec bonheur les fantaisies que lui inspire son désir d’éclectisme. Ç’aurait été pour lui l'occasion de donner libre cours à l’imagerie fantasque qui le nourrit depuis toujours et dont les meilleurs représentants ont pour nom Bosch, Brueghel l’Ancien, Goya, James Ensor, Klee, Magritte, Topor, Saul Steinberg, mais aussi Jarry, Kafka et Boris Vian pour l’imagerie littéraire, ou encore Chaplin, Keaton, les Marx Brothers pour le cinéma. Hélas ! Göran Gentele trouve la mort en juillet 1972 dans un accident de la route. Ligeti se voit alors suggérer par la scénographe allemande Aliute Meczies la lecture d’une pièce du dramaturge Michel de Ghelderode : La Balade du Grand Macabre (1934). Fidèle à l’esprit de distance et d’ironie qui l’a toujours guidé, le compositeur imagine un opéra qui soit l’œuvre de tous les contrastes, qui mélange tragique, lyrique, grotesque et carnavalesque. Une danse macabre qui puise aux sources de la fable, des mystères médiévaux, du monde rabelaisien, du théâtre de marionnettes, du cinéma burlesque et de la bande dessinée. Dans Le Grand Macabre, on boit, on mange, on danse, on fornique. On craint, ou l’on fait semblant de craindre, des squelettes en mouvement et des faux acérées prêtes à moissonner des existences improbables. Le Grand Macabre est un opéra en deux actes de György Ligeti. Composé entre 1974 et 1977 sur un livret en allemand de Michael Meschke et de Ligeti d'après la pièce La Balade du Grand Macabre de Michel de Ghelderode (1934), l'ouvrage est créé en version suédoise le 12 avril 1978 à Stockholm à l'Opéra royal de Suède (commanditaire de l'oeuvre), puis en version française le 23 mars 1981 sous la direction d'Elgar Howarth. L'action se déroule dans un pays imaginaire appelé « Brueghelland » ou le grand macabre est personnage prétendant être l'incarnation de la Mort qui annonce que la fin du monde est très proche. Ligeti appréciait ce livret du Grand Macabre, qui selon lui contenait « de nombreux éléments de poésie abstraite ». Revenant sur la composition d’Aventures et de Nouvelles Aventures, ses deux pièces « abstraites-concrètes » qui marient fragments de langage, chant, bruits et musique et qui datent de 1962-1965, il écrit : « À cette époque, j’étais loin de me douter que ces deux œuvres allaient servir de point de départ au Grand Macabre composé dans les années soixante-dix. » Et c’est avec un plaisir évident qu’il s’amuse à jouer sur l’exagération et sur la truculence du texte. Ainsi, dans la scène où les deux ministres se lancent des insultes à la face, il se plaît à organiser celles-ci selon l’ordre alphabétique, chacun des personnages interpellant alternativement l’autre. Des jurons qui sont souvent le pur produit d’une imagination débordante et font irrésistiblement penser au capitaine Haddock d’Hergé. Musicalement aussi, le compositeur a procédé par citations et pseudo-citations. Il mélange expressions latines fautives et extraits détournés de saint Jean, introduit dans un concert de trompettes digne de l’Apocalypse des son...
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