Depuis presque une trentaine d'années, et d'abord grâce à des historiens militants comme Jean-Luc Einaudi, la répression meurtrière qui s'est abattue sur les Algériens à Paris le 17 octobre 1961 est peu à peu sortie de l'oubli. La mémoire et la conscience collectives sont encore loin, cependant, d'avoir pleinement intégré la réalité inouïe des assassinats de dizaines et probablement de centaines de civils désarmés par la police française, non seulement lors de cette manifestation et au cours des jours qui ont suivi, mais pendant tout l'automne 1961. Emmanuel Blanchard, historien de l'immigration algérienne, évoque dans cet épisode de “La grande H.“ la dynamique des événements du 17 octobre et leur contexte très particulier. Pour la première fois, des colonisés manifestaient dans la capitale de la puissance colonisatrice, en pleine guerre entre la France et le FLN, le parti nationaliste algérien. Ce dernier avait organisé le 17 octobre une opération pacifique de visibilité, en défi au couvre-feu imposé en métropole aux “Français musulmans d'Algérie“. Il s'agissait de remporter une victoire politique face à l'opinion internationale, alors que les négociations qui devaient déterminer les conditions de l'indépendance avaient commencé au l’année avant d’être suspendues à l’été. En réponse, le premier ministre Michel Debré, le ministre de l'intérieur Roger Frey et le préfet de police de Paris Maurice Papon n'ont pas seulement organisé des “rafles“ massives (12 à 15 000 personnes arrêtées et détenues au Palais des sports de la Porte de Versailles et au stade Pierre-de-Coubertin). Ils ont sciemment laissé libre cours aux exactions policières en leur garantissant l'impunité et en les couvrant immédiatement par le mensonge d'État. Montage Alexis Debaye. Une émission de Julien Théry #Erratum : un lapsus a fait dater du 13 mai au lieu du 13 mars 1958 la manifestation des policiers à Paris. *** Pour en savoir plus - G. Anderson, La Guerre civile en France, 1958-62. Du coup d'état gaulliste à la fin de l'OAS, La Fabrique, 2018 (et “Les origines occultées de la Ve République. Guerre d'Algérie et coup d'Etat gaulliste“, “La Grande H.“ avec Grey Anderson, mise en ligne 5 mars 2019 : - E. Blanchard, La police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris, éd. Nouveau Monde, 2011 - E. Blanchard, Histoire de l'immigration algérienne en France (1900-1990), Paris, La Découverte, 2018 - E. Blanchard, “Des cérémonies de dégradation. À propos des contrôles d’identité au faciès“, sur le site web Les mots sont importants, 13 février 2017 : - E. Blanchard, “Sociogenèse d’un crime d’état. 17 octobre 1961 : chèque en blanc à Maurice Papon“, sur le site web Les mots sont importants, 17 octobre 2018 : - R. Branche, La torture et l'Armée pendant la guerre d'Algérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, 2001 ( et “Torture et exécution sommaire au nom de la république française pendant la Guerre d'Algérie“, “La Grande H.“ avec Raphaëlle Branche, mise en ligne 1er novembre 2018 : - . Brunet, Police contre FLN : le drame d'octobre 1961, Flammarion, 1999 - . Einaudi, La Bataille de Paris – 17 octobre 1961 (réédition en poche en 2001, postface inédite de l'auteur), Le Seuil, 1991 - B. Gaïti, “Les ratés de l’histoire. Une manifestation sans suites : le 17 octobre 1961 à Paris“, Sociétés Contemporaines, 20, 1994, p. 11-37, en ligne : - J. House, N. MacMaster, Paris 1961 : Les Algériens, la terreur d'État et la mémoire, Tallandier, 2008 - F. Riceputi, La bataille d'Einaudi, Comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République, Neuvy-en-Champagne, Le Passager clandestin, 2015 ▶ Soutenez Le Média : 👉 👉 👉 ✅ Suivez-nous : Facebook : Twitter : Youtube : Peertube : Rejoignez la communauté des Socios ! #LaGrandeH #17Octobre1961 #Police
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