Mikhaïl Pletnev interprète le Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol mineur op 40 de Rachmaninov avec l'OP sous la direction de Dima Slobodeniouk. Extrait du concert enregistré le 27 septembre 2024 à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique à Paris. #rachmaninov #piano #pletnev #concerto « Ce Concerto est un monument d’ennui, de longueur, de banalité et de toc. On y tricote vaguement ceci ou cela, de Liszt à Puccini, de Chopin à Tchaïkovski. Même Mendelssohn a droit à un petit compliment au passage. L’écriture orchestrale a la richesse du nougat et la partie de piano rutile de mille effets éculés [...] C’est de la super-musique de salon. Mlle Cécile Chaminade aurait pu commettre la même chose après son troisième verre de vodka ». La violence de cette critique de Pitts Sanborn publiée dans l’Evening Telegram, quelques jours après la première de l’œuvre, le 18 mars 1927, témoigne de l’immédiate désaffection d’une grande partie du public à l’égard de cet opus. Pourtant, s’il est le plus sombre et le moins avenant, c’est aussi le plus personnel de ses quatre concertos. Dès le mois d’avril 1914, le journal moscovite Mouzyka avait annoncé que le compositeur travaillait à cette œuvre, information réitérée trois ans plus tard dans la Rousskaïa mouzykalnaïa gazeta. La Révolution d’octobre poussa le compositeur à l’exil aux États-Unis, et pratiquement rien ne sortit de sa plume pendant neuf ans. « En quittant la Russie, j’ai laissé derrière moi l’envie de composer. En perdant mon pays, je me suis perdu aussi moi-même. Dans cet exil, loin de mes racines et de mes traditions, je ne trouve plus l’envie de m’exprimer » déclarait-il à cette époque. À l’occasion d’un séjour à Florence, en avril 1924, il retrouva son ami et compatriote Nikolaï Medtner, lui aussi pianiste et compositeur en exil, et celui-ci parvint à le convaincre de reprendre ses esquisses du Concerto. Deux 14 ans plus tard, le 9 septembre 1926, Rachmaninov lui écrivit : « j’ai reçu une copie du conducteur de mon nouveau concerto. Je rayonnais en voyant sa taille – 110 pages – et j’en fus horrifié ! Par pure lâcheté, je n’avais même pas vérifié sa durée. Il devra, comme le Ring [de Richard Wagner], être interprété plusieurs soirées de suite. Je me souviens des conversations que nous avons eues ensemble au sujet de la longueur et le besoin de réduire, de compresser, de ne pas être bavard, et j’ai eu honte ! Apparemment tout le problème est dans le dernier mouvement. J’ai pas mal entassé à cet endroit ! J’ai déjà commencé (dans ma tête) à chercher des coupures. J’en ai trouvé une mais seulement de huit mesures, et en plus c’est dans le premier mouvement qui n’a pas une longueur si effrayante. Et je « vois» que l’orchestre n’est presque jamais silencieux, ce que je considère comme un grand péché. Cela signifie que ce n’est pas un concerto pour piano, mais un concerto pour piano et orchestre. J’ai également remarqué que le thème du deuxième mouvement est celui qui ouvre le Concerto de Schumann. Comment se fait-il que tu ne me l’aies pas dit ? » Ce n’est pourtant qu’après l’échec de sa création à Philadelphie, et de sa présentation à New York, Washington et Baltimore, que Rachmaninov se décida à réviser la partition, réécrivant les douze premières pages et la coda, et supprimant pas moins de 114 mesures, en particulier dans le final. La création, à Londres en novembre 1929, puis à La Haye, Amsterdam, Paris et Berlin, de cette version révisée, ne fut guère plus satisfaisante, et Rachmaninov délaissa cette musique née au seuil de la Première Guerre mondiale, pour ne la reprendre qu’au cours de la Seconde. En effet, en 1941, il réduisit de nouveau le final de 78 mesures, afin de donner une nouvelle chance à cet opus 40, mais une nouvelle tournée dans sept villes américaines se solda par de nouvelles déceptions. L’enregistrement qu’il en réalisa décembre 1941 en fut sa dernière interprétation. Les difficultés de cette gestation semblaient naître de différents hiatus entre les idées généreuses conçues par le compositeur en Russie et l’évolution de son langage artistique dix ans plus tard, entre la joie d’être acclamé en tant que pianiste mais aussi l’amertume d’être considéré comme créateur. Empreinte de la nostalgie d’une terre natale à jamais perdue, l’œuvre est faite autant de ruptures que d’allusions au passé. La célèbre Vocalise, opus 34 n°14, que 15 Rachmaninov avait composée à la veille de la Grande Guerre, à l’époque des premières esquisses du Concerto, est ainsi brièvement évoquée dans les premières minutes de l’œuvre. Le thème du mouvement lent cite la vieille chanson enfantine anglaise Three blind mice, que certains musicologues entendent aussi dans le final de la Symphonie n°83 « La Poule » de Joseph Haydn, et qui inspira en 1899 des Variations au compositeur anglais Joseph Holbrooke. Cette mélodie, toujours très populaire aujourd’hui, fit l’objet de plusieurs enregistrements jazz du saxophoniste Frankie Trumba...
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