UN AVOCAT POUR ANTIGONE Comme la rencontre d’Œdipe et de son père sur la route de Thèbes, la revue Antigone aura surgi au carrefour des circonstances et de la nécessité. Du domaine des circonstances relève le bouillonnement intellectuel qu’occasionna le centenaire de René Girard, le penseur de la violence et du sacré, tout au long de l’année 2023. Au chapitre de la nécessité s’impose le constat d’un manque : celui d’un organe de presse capable de faire vivre la pluralité des expressions et d’ouvrir une troisième voie entre les vulgarisations hâtives d’un journalisme avarié et la vanité aride des spécialisations parcellaires. C’est dire si la présence de René Girard au cœur de la revue Antigone ne se veut pas celle d’un système clos sur lui-même ni de quelques formules percutantes dont le ressassement aurait valeur de réponse universelle. Sous aucun prétexte nous n’entendons mettre René Girard à toute les sauces. Avant même l’anthropologue et le philosophe, le René Girard que nous aimons, celui sous la figure tutélaire duquel nous entendons nous placer, n’est autre que l’écrivain dont la sensibilité littéraire exprime et explore la présence du tragique parmi nous. J’ai rencontré Régis de Castelnau à l’aube du centenaire. Cette coïncidence relève des circonstances nécessaires qui précipitent un projet, au sens le plus chimique du terme. Si Régis de Castelnau n’est pas un girardien de formation ni de conviction – un matérialiste athée face à un converti au christianisme : l’attelage aurait même de quoi surprendre ! – tous deux sont faits de la même pâte culturelle qui nous constitue comme Français. « Pâte culturelle » ne s’entend pas ici au sens de la relique poussiéreuse qu’on exhiberait de temps à autres au mardi gras de nos carnavals identitaires. Il s’agit bien d’une mémoire vécue et actualisée, d’une puissance qui n’a pas renoncé à s’effectuer, d’un rapport à l’histoire tissé de tradition assumée et d’horizons à conquérir, de fidélité qui oblige et de critique qui ne s’autorise aucune concession. Entre le masochisme et la clôture identitaire qui s’alimentent réciproquement à la source du même malaise culturel, il y a une faille par où s’engouffre le vent du large et que la plume de Castelnau, en écho à celle de René Girard, habite avec bonheur. Voici donc la première émission d’une série que nous avons décidé d’appeler « Cas de conscience ». Nous nous y présentons et exposons les objectifs que nous poursuivons. BENOÎT GIRARD directeur de la revue ANTIGONE REVUE ANTIGONE :
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